Lecture à trois voix

Ce livre fait partie de ceux dont on se dit, une fois lu, "Comment pourrais-je en parler ?" L'exercice est donc ici difficile mais c'est avec plaisir que j'ai partagé cette lecture avec Sandrine et Amélie et je me prêterai au jeu jusqu'au bout !

Le lecteur suit le quotidien de Frasquita Carasco, jeune fille détenant un don reçu de ses ancêtres. Tout ce qu'elle coud peut prendre vie. Ce don (ou cette malédiction...) la suivra toute sa vie et chacun de ses enfants en recevra un également. 

Je ne réussirai pas à en dire plus quant à l'histoire, au risque de trop rentrer dans les détails et de m'emmêler les pinceaux. Mais est-ce vraiment l'histoire ici qui prime ?

Le cœur cousu, c'est un roman plein de poésie, de musicalité et de belles phrases.  Carole Martinez a surtout le don (elle aussi !) de peindre des portraits forts, de personnages à la fois attachants et détestables, torturés et apaisés, doux et féroces...

Ses magnifiques yeux clairs, couleur paille, grands ouverts sur le ciel tout le jour se fermaient brutalement, comme des portes qu'on claque, pour échapper à  la nuit.

Le village sentit aussitôt que cette femme prenait corps dans ces volutes de tissu blanc. Il perçut à sa démarche, à cette façon qu'elle avait d'onduler dans la lumière, à l'ampleur de son mouvement, à cette singulière pureté du geste, que cette chair prenait conscience de sa pleine mesure. 

La belle, désarçonnée par le souffle de la robe rouge qu'elle venait d'enfiler, perdit de son arrogance et le temps fit une pause, légère, imperceptible. Une paix souffla sur le monde et toutes les agonies furent suspendues l'espace d'un regard. 

Elle mêle les mots comme un peintre mélange ses couleurs. Je sortirai même les grands mots en disant qu'elle est plus artiste qu'écrivain. 

Donc lisez-le ! Un petit conseil, mieux vaut avoir du temps car la lecture n'est pas toujours simple : les personnages sont nombreux et les retours en arrière aussi.